motherhood ((GWEN))

Tu n'as jamais cessé d'aimer New-York. Les époques se chevauchent, s'entassent et se transforment en poussière temporelle sans dilluer un instant la beauté, parfois terrible et pitoyable, souvent mirifique, de cette ville aux changements constants. L'évolution qui traîne dans la queue de sa comète les mortels. Tes pas déplacent ton être jusqu'à la New Foundation. Le changement, encore - il n'a cessé, tel une marée, d'envahir ton espace et ta vie. Tu frissonnes en songeant à tout cela - AIM, Hydra, et cette guerre incessante qui ronge les hommes. Mais pas de cela, pas aujourd'hui. Il est des temps pour le chagrin, le deuil et la crainte ; cet instant n'est pas celui-ci. L'idée même de revoir Gwen, que tu n'as pourtant pas quitté depuis si longtemps, fait palpiter ton petit coeur sensible. Un sourire se dessine sur ton visage délicat tandis que tu observes, le temps de quelques cillements, l'allure du bâtiment. Rien d'officiel, aujourd'hui ; pourtant, tu ne peux te départir de ce que tu es, jusque dans ton sang, jusque dans la moindre de tes cellules. Pas de vacances pour les héros, pour les mutants, pour les inhumains. Pas de vacances pour les amies. Tu pénètres d'un pas décidé, ta chemise blanche flottant autour de ton corps souple, tes cheveux tressés ondulant dans ton dos. Ton sourire n'a pas disparu, alors que les gardes te jettent un coup d'oeil - tu te souviens avec amusement de Gwen leur râlant dessus, insistant sur ton prénom de petite sirène. Tu pouffes, sous leurs regards vigilants, et tu t'éloignes en retenant ton hilarité. Un peu de tenue - mais le souvenir est drôle, piquant et plein d'une atmosphère amicale.  

Il ne te faut guère longtemps avant de trouver ton amie - notamment grâce aux protestations que tu dicernes, qui semblent se répercuter entre les murs. Tu hausses un sourcil, taquinerie aux lippes. « Il n'est même pas encore dix heures, et tu râles déjà ? » que tu lances en guise de salut, avant de rire sous cape. Puis, comme une offrande généreuse, tu tends devant toi le gobelet de déca, les petits gâteaux achetés en route, vos préférés, du chocolat, des bonbons - et un bocal de cornichons. Petit regard scrutateur - « on m'a dit que les femmes enceintes peuvent avoir des envies bizarres, c'était ça ou les anchois.» Ton regard se fait plus tendre, plus amical. Tout en toi s'exalte à la présence de ton amie.  « Comment vas-tu ? Et pas de protestations sur ton statut de baleine, merci. Tu n'es pas si grosse, encore» que tu plaisantes gentimment, avec un rapide coup d'oeil de sous tes cils sur l'arrondi du ventre. Apprendre que Gwen était enceinte avait été une grande joie - et un pincement au coeur t'avait prit, sans prévenir, sournois, malveillant. Comment avais-tu pu la jalouser, même une seconde ? Six ans. Six ans de solitude, et tu ne t'étais pas encore résignée à sortir de ton veuvage. Toi qui avais autrefois espéré être à cette place. Ce n'était pas là de saines pensées ; tu pioches un gâteau, comme pour étrangler ton crâne pour de telles songeries. « Je crois que les gardes ne regarderont plus jamais La Petite Sirène sans penser à moi » glousses-tu avec un sourire idiot, non sans croquer à pleine dent dans le muffin. Tu essuies délicatement ta bouche des miettes qui s'y déposent, savoure l'arome sucré, un brin artificiel.  

Tu penches la tête de côté, avales doucement la bouchée. « Tu pestes encore parce que les missions se font sans toi ? Ne nies pas, je t'entendais du couloir. Ils peuvent s'en sortir sans toi - j'imagine que Ben doit être du même avis que moi : tu dois te reposer et éviter de faire n'importe quoi. » Tu as pris un ton docte avant de hausser les épaules. « Maintenant que je suis là à la rescousse, que puis-je faire pour toi ? »que tu demandes, théâtrale, avec une révérence digne d'un oscar ; et la question est douce, sincère. Certes, tu ne pourras pas répondre aux demandes farfelues, mais au moins, ta présence peut l'apaiser un peu, du moins l'espères-tu. Tu te demandes si Ben va bien, lui aussi - d'ici quelques mois, il partagera la vie parentale. Un petit bébé né de l'amour d'araignées. A-do-ra-ble.

Pouvoir voir Gwen est un miracle. Tout avait basculé très vite. Son sacrifice avait été sanglant et terrifiant. Les souvenirs sont vivaces, tu ne doutes pas qu'ils hantent aussi bien la blonde que Ben ou l'entourage de l'araignée. Mais tu te concentres sur le positif - elle est là, en chair, en os et en râleries, et voilà qui compte, n'est-ce pas ? Qu'importe ce qui as pu arriver. Qu'importe les songeries néfastes et les craintes enfouies. Tout avait disparu, d'un claquement de doigt - ou presque. Mais tu es étais certaine qu'elle n'était pas seule ; elle avait de nombreux amis sur lesquels compter, et au-delà de Benjamin, le cher futur papa du parasite grandissant dans le ventre de ton amie, la plupart des héros du coin devaient veiller sur elle. Ce qui était très mignon, vu du dehors, et devait sembler un poids terrible, un fardeau épuisant pour Gwen - une femme forte et indépendante comme elle devait se sentir étouffée. Tu as un sourire amusé quand elle nie après s'être retournée, de toute évidence en communication avec son cher et tendre ; communication qu'elle vient de couper. « Bien sûr» que tu marmonnes en levant les yeux en l'air avant de sourire. Au moins, Gwen accepte tes offrandes à grand renfort d'enthousiasme.

Nouveau sourire qui étire tes lipes. « Heureusement que j'ai préféré les cornichons, alors. D'autres intolérances alimentaires, ou tu ne peux juste plus voir les anchois en peinture ? Je crois que ma mère détestait l'odeur de viande, cuite ou crue, quand elle était enceinte d'une de mes soeurs » dis-tu en pensant à haute voix, l'air pensif, avant de revenir les pieds sur terre. Tu restes debout près d'elle, les bras croisés sur ta menue poitrine. « Ou un punching-ball ? » proposes-tu, moqueuse, avec l'air malin. Arrivée à ce stade, le bébé doit grandir et se développer, il est normal qu'il se mette à bouger et à se développer, au détriment des pauvres organes internes de Gwen. « Au moins, tiens-toi heureuse d'être dans le règne des mammifères, tu ne risques pas d'être dérovée par ta progéniture éclose de l'oeuf» et tu tires la langue, joueuse. « Mais Spider-Whale, c'est rude. Qui t'appelle comme ça ? Que je lui en fasse passer l'envie d'un bon regard-noir-de-la-professeure-mécontente » et tu mimes ledit regard, qui est plutôt fonctionnel sur tes élèves, surtout quand tu est réellement réprobatrice. Tu regardes Gwen tenter des aventures culinaires, non sans manquer faire une grimace. Que voilà de curieux mélanges. Mais tu ne juges pas - ayant des origines françaises, certains de tes péchés mignons pourraient en dégoûter plus d'un. Et puis, les hormones font des ravages. Tu imagines bien Gwen hurlant à la lune en pleine nuit, réclamant à cris redoublés des fraises et des dattes à un Ben à peine réveillé.

Tu secoues la tête, trop amusée pour camoufler ton air malicieux. « Pour la couleur rouge, on peut s'arranger, mais je peux difficilement me faire pousser des écailles, hélas. Quand à m'entendre chanter, mieux vaut éviter. » Tu hausses les épaules sur cette pitoyable tentative d'humour, en ignorant la dernière remarque de Gwen. Tu ne veux pas remettre ça sur le tapis ; tu as fait ton deuil, depuis longtemps, de ton mari comme de vos anciens projets. Même si, parfois, la vie arrive telle une tempête, à griffer de souvenirs tristes, à mordre à renfort de cauchemars et d'espoirs avortés. Et puis, tu sais que la vie de Gwen n'a pas été de tout repos non plus ; comme beaucoup d'autres héros, vous avez grandi, évolué et vécu sur le vivier d'histoires pleines de sang et de larmes. Même si, quand tu vois la vie normale de certaines personnes, tu ne peux pas te dire que tu aurais préféré naître sans mutation ; même sans pouvoir ou sans fantastique dans leurs vies, certains ont les mains pleines de carmin ou les cauchemars les plus terribles. Tu changes doucement de sujet, observant Gwen qui semble crouler son tes paroles. Tu ne voulais pas l'ennuyer ; ton inquiétude comme ton amitié sont sincères. « Continuer à être agile, à avoir tes pouvoirs, tes capacités, ne t'empêche pas de prendre soin de toi - et de ton petit hôte, encore trois mois. » Tu as un mouvement des mains, impuissant - tu la comprends, un peu ; tu ne la juges pas et tu l'invites même à se servir dans les sucreries et autres offrandes ramenées. C'est là pour ça. Tu éclates de rire en entendant la liste des gens qui la soutiennent ; cela ne t'étonne guère de tout ce petit monde. Oeillade attendrie vers ton amie ; « je comprends ton envie de retourner aider les gens, parce que ce doit être dur de rester ici à se reposer, mais tu le dois. Si tu ne le fais ni pour toi, ni pour nous tous qui nous inquiétons pour toi, fais-le pour ta baby-spider. » Tu hausses encore les épaules avec une grimace ; t'étais pas venu lui faire la leçon, à la base. Tu t'installes finalement près de Gwen dans un fauteuil jumeau du sien, croisant tes jambes dans un froufrou de vêtement. « Tu n'étais pas déjà un peu timbrée ?» que tu te moques avant de saisir un document pour l'observer d'un air critique. « Tu sais, le travail sur le terrain n'est pas le seul existant, et justement - en aidant à trier, même si c'est d'une platitude à creuser l'Everest, tu te rend très utile. Il faut bien que quelqu'un le fasse. Et je peux te donner un coup de main - pour éviter que tu ne vires véritablement cinglée. Ne suis-je pas la meilleure ? » tu ronronnes d'un air satisfait avant de rire. Puis, en te penchant sur la table et vers ton amie, tu as une oeillade amusée. « Et pour te récompenser, je te promets de t'emmener faire un petit tour. » Clin d'oeil appuyé. Tu seras là pour la surveiller ; un peu de gravité moindre, un tour sur les toits, un peu d'air frais, cela pourrait lui faire du bien de ne plus avoir à déplacer sa masse, de se sentir un peu moins enfermée. Mais d'abord, le tri ! Elle a une mission, et tu t'es proposée pour l'aider. « Alors, comment va Ben ? Il supporte tes sautes d'humeur ? » que tu glousses comme une gosse, en repoussant une mèche de cheveux d'un geste délicat.

Tu n'as aucune idée de ce que c'est que d'être enceinte. Tu ne l'as jamais été, et vu combien ta vie sentimentale est un désert depuis que ton alliance a quitté ton doigt de façon funeste, tu n'es pas là de découvrir les joies - et les malheurs, apparemment - de la grossesse. Mais voir Gwen dans cet état, c'est une véritable expérience. Une observation de tous les instants, aussi drôle qu'étrange. Notamment quand tu constates ses nouveaux travers nutritifs. Tu souris en l'entendant rouspéter sur le futur bébé puis sur ta tentative d'intimidation absurde. « Je leur donne des bons points, alors ?» rétorques-tu avec un demi-sourire, sourcil haussé pour exprimer ta perplexité malicieuse. Tu lèves les mains devant son index réprobateur comme pour montrer que tu n'étais pas armée ; petite lueur inquiète dans les yeux. « On va éviter de créer une fuite lacrimale alors. » Tu ne voudrais pas avoirà gérer ça ; non pas que tu ne saurais pas être une épaule secourable, mais tu as dans l'idée que ce doivent être des pleurs induits par les hormones et tu te sentirai impuissante à l'aider réellement.

Tu ricannes puis fais une grimace à Gwen quand elle te donne un nouveau surnom qui te sied peu. « Promis, si je me lève avec une queue de poisson aux écailles irridescentes, on reparle du surnom - Gravity-Fish-Woman ? Vraiment ? Même pas un petit Gravitational Mermaid ? Je mérite mieux » gémis-tu d'un air faussement théâtral, en secouant la tête comme une reine, avant de sourire d'un air malin. Tu ricannes à nouveau en imaginant les deux folles que vous êtes en train de vous égosiller - enfin, surtout toi, et Gwen derrière à battre un rythme tellement furieux qu'il couvre tout autre son. Ca pourrait presque le faire, tiens. « Sur du Guitar Hero, ça pourrait être rigolo. » Une bonne soirée entre amis, de la musique, beaucoup de moments incongrus, voilà qui te plairait volontiers. Tu imagines la tête de Gwen à devoir boire des bières sans alcool et ton sourire s'accentue. Votre complicité fait chaud à voir. Tu tires la langue en retour à l'araignée ; toute sorte de chagrin déjà oublié, passé comme une tempête de sable. Tu n'aimes pas regarder en arrière, te laisser envahir par les doutes, les regrets, les remords. Seules tes nuits se font portes du cauchemar, mais personne n'est plus là pour les faire s'évanouir. Tu reprends pied dans la réalité, avec des mots maternels. « Tu pourrais être à moitié dauphin, dont la gestation est de 365 jours. Ne te plains pas, tu as fait plus de la moitié du boulot » te moques-tu doucement ; elle voit poindre bientôt la libération. Trois mois, moins de cent jours à détourner son attention, à la divertir pour qu'elle oublie ce qui la gêne dans tout cela. Au moins, elle est sage - même si elle est capable de râler comme une experte, véritable championne de la bougonnerie, elle est consciente que son bébé passe avant tout, déjà mère avant même d'avoir mis au monde l'être dans son ventre.

Sourires complices qui s'échangent alors que tu pointes du doigt la légère folie de Gwen. Mais qui n'est pas totalement timbré, en ce bas monde ? Toi-même n'es sûrement pas saine d'esprit. « N'exagères pas. Et je peux être plus efficace, même sans cornichons » que tu fais semblant de t'offusquer - tu ne veux pas devenir la dealeuse de cornichons. Ca n'a aucun panache. Et puis, tu proposes à Gwen une petite récompense, et elle a l'air absolument ravie - c'est même en déça de sa réaction. Le regard pétillant de malice, tu baisses la voix, un rien sensuelle, faussement charmeuse : « Oh Gwen, je te fais autant d'effet ? Au point de risquer l'inondation ?» et tu as, à ton tour, un mouvement de sourcil malicieusement séducteur avant d'éclater de rire et tu te mets au travail, tranquillement ; la discussion repart sur des bases plus calmes tandis que vos mains s'activent. La paperasse ne t'a jamais rebuté, au contraire de Gwen qui est une femme d'action, pure et dure. « Va falloir lui refiler l'emploi du temps, au bambin. La nuit, c'est dodo pour papa et maman. Aucune organisation, pauvre de lui » plaisantes-tu, la voix pleine de compassion cependant. A la naissance cela ne s'arrangera guère ; les premiers mois seront difficiles, comme pour tout parents. Mais tu n'imagines pas de meilleurs parents que Gwen et Benjamin. Vous continuez de trier ; la question de Gwen te fais rouler des yeux d'un air amusé. « Terroriser ? Comme tu y vas ! Mes élèves m'apprécient beaucoup. Et je le leur rends bien. Certains sont plus doués que d'autres. Mais depuis le vaccin, tout s'est calmé et c'est pour le mieux. » Tu as un petit sourire ravi, les souvenirs remontent, tu frottes du bout des doigts ton avant-bras aux souvenirs des expériences et des examens fait avec Tony pour le vaccin. Tu repousses une mèche de cheveu en songeant à tout ce qui serait différent si le virus était encore en circulation ; un frisson te prend, de crainte, de soulagement. Tu peux utiliser ton don sans problème à présent, tu as retrouvé cette facilité, ce naturel, et tu en es extrêmement reconnaissante. Par bien des côtés, cet obstacle, ces difficultés ont rendu ton don plus puissant, ton contrôle plus assuré, à force d'entraînements. Vous continuez de ranger jusqu'à ce que les piles soient toutes clarifiées. Tu tapes dans tes mains, pas mécontente que cela soit fini. Gwen est une véritable tornade ; tout est emballé - le reste de votre petit pique-nique en tout cas - et tu la suis d'un pas enthousiaste, amusée de la voir aussi joyeuse et déterminée. Une fois dehors, tu éclates de rire en voyant sa réaction. Tu pointes un index provocateur quand elle continue avec son petit jeu. « Attention, sois polie avec les lois de la physique, miss Whale » que tu grondes gentimment ; tu ne réponds pas mais ta gravité le fait pour toi. Aussi simplement qu'un souffle, vous ne pesez soudain plus rien. Gwen doit se sentir soulagée - poids du ventre, qui tire sur le dos, sur les flancs, et maintenant, plus rien, à la manière de ces femmes enceintes qui, pour se soulager le corps, flottent dans des piscines. La sensation est mille fois meilleure : vous ne pesez vraiment plus rien et vous vous élevez, repoussées gentimment de la terre pour aller enchaîner le vent dans vos cheveux. Tu ris doucement en prenant la main de Gwen, tandis que vous vous arrêtez près des toits, sans pourtant vous y poser. Vous êtes immobilisées, sous un soleil luisant, dans une petite brise fraîche, et sous votre regard, la ville, les mortels, le monde. « Profites un peu de cette sensation de liberté, ma belle. Tu veux aller quelque part, ou faire quelque chose de particulier ? C'est mon petit cadeau. Un instant de loisir, un peu de relaxation. Et je suis là pour te surveiller » que tu glousses d'un air autoritaire - mais ton large sourire dénie ce que tu viens de dire. Si tu vas réellement garder un oeil sur elle, tu es décidée à ce qu'elle s'amuse un peu et profite. Quel meilleur moment que celui où elle n'a plus à sentir le poids de son bébé, de son corps ? Tu regardes autour de toi, les différents bâtiments, la tour Stark, et ce monde en-dessous de vous qui continue de tourner, auquel vous êtes étrangères, l'espace d'un moment. « Comment vont Steve et les autres ? Je devrais passer leur dire bonjour, un de ces quatre, aussi  » dis-tu doucement, croisant tes bras sur ta poitrine dans un froufrou de chemise froissée. Tes cheveux ondulent derrière toi comme libérés de toute contrainte, où le soleil miroite de l'or brun. Tu souris à Gwen, tendrement ; tu es contente d'être là, avec elle. Beaucoup de choses ont changées, beaucoup de faits sont arrivés, mais vous êtes encore là, l'une pour l'autre, et c'est ce qui compte.