house of memories (wm&jh, flashback)

Le crépitement des flammes berce ton âme. La chaleur de la tasse réchauffe tes doigts endoloris, sortis d’un extérieur glacial. Le temps n’est jamais propice aux rayons de soleil, ici. Le temps est las, nostalgique, triste. Le temps s’accouple parfaitement avec les débris d’une femme que tu as été. Tu ne peux pas nier n’être que l’ombre de toi-même. Les dégâts de pouvoirs bien trop grands pour toi ont été dévastateurs. Tu es rongée. Tu te sens coupable, et tu es coupable. L’air qui s’extirpe de tes narines est fatigué. Fatigué d’une vie bien trop misérable, portée sur tes épaules, traînée à tes chevilles comme des boulets. Les instants plus faciles te manquent. Une période plus innocente. Tu ne peux t’empêcher d’avoir tout détruit autour de toi. De te considérer comme un danger, pour les autres. C’était certainement le cas. Tes derniers souvenirs ne sont pas glorieux. Tu te souviens de la mort de ton frère. Tu te souviens de ton père. Tu te souviens de la rage qui t’a consumée. Tu te souviens des larmes aux coins de tes yeux. Tu te souviens d’une puissance inouïe, envahie. T’as arraché l’âme de Pietro des enfers, ramené à son enveloppe corporelle. Puis de votre dernière rencontre. C’était avant que, de tes lèvres, se soient extirpés les mots no more mutants et que tu ne clore un acte important : ton règne, celui d’une déesse – d’une princesse, celui qui t’a permis avec la nature même, le temps et l’espace, et surtout ta propre réalité. Puis t’es partie, sans donner la moindre note de départ, sans donner la moindre nouvelle.

Plusieurs mois se sont écoulés. Tu te complais dans un petit village, Mandritsa. Situé en Bulgarie, te cacher n’a pas été compliqué. Un coin reculé du reste du monde et de tout. On n’est pas supposé te trouver ici. Ta réputation n’allait pas au-delà de la Bulgarie. Personne ne doit te trouver ici. Personne. Tu entends toquer à la porte, et tu tournes le visage vers celle-ci. A la suite de bruit, la porte s’ouvre dans un craquement. Apparaît alors le visage ridé de ta propriétaire, sourire jusqu’aux oreilles. Adelina a cette lueur dans le regard. Douce, patiente. Maternelle. Les confronter te réconfortait. Elle a une place unique dans ton cœur, et elle est probablement l’une des seules personnes sur lesquelles tu peux compter à ce jour. Ta seule amie. Elle s’approche. A son bras balance un panier de pommes, et elle en attrape une pour te la tendre, lorsqu’elle arrive à ta hauteur. Tu la saisis entre tes doigts, et elle vient s’installer confortablement à côté de toi. Tes yeux détaillent un instant la nourriture, mais tes dents ne croquent pas encore dedans. Tu détaches tes yeux de la pomme pour les poser de nouveau sur la vieille femme. « Skoro shte nastŭpi sezonŭt na kŭpinite. (Soon, it'll be blackberry season.) » Tu ne peux réprimer un petit sourire. Elle connaît ton péché mignon. « Ochakvam s netŭrpenie. (Can’t wait.) » Tu n’as même pas d’accent. Tu n’es pas Américaine, malgré tes nombreuses années vécues là-bas, ton accent ne s’est jamais tut. Tu ne l’as jamais désiré. Tu es fière de tes origines. C’est sûrement pour cette raison que tu te sens autant chez toi, à Mandritsa. Ton regard se perd un instant parmi les flammes qui dansent au cœur de la cheminée. « Mŭzh poiska da se vidi tazi sutrin. (A man asked to see you, this morning.) » Tu fronces les sourcils. Ce n’est pas le genre de nouvelle à laquelle tu t’attendais. « Koĭ beshe ? (Who was he ?) » La femme à ta gauche ne quitte pas le feu des yeux. « Ne znam. Strannik. Sŭs sigurnost amerikanets. Govoreshe samo angliĭski. No toĭ pokaza vasha snimka. (I don’t know. Some stranger. An american guy. He didn’t spoke english. But he show a picture of you.) » Personne n’était supposé te trouver ici. Et pourtant. Pourtant. Tu crains, à cet instant, que cette personne venue te demander dans tout le visage ne soit un ennemi. Une menace. « Kak izglezhdashe tozi chovek ? (How was he ?) » Elle hausse les épaules. « Visoko kafyavo. Bradat mŭzh i kosata mu... Te me markirakha. Te byakha nabodeni ot dvete strani na glavata mu. (Tall, brown hair. Bearded, and his hair… Printed in my mind. They were spike on either side of his head.). » Ses deux indexes se placent à chaque coin de sa tête, au-dessus de son front, mimant alors une description qui te semble bien trop familière. « Oh. » Adelina repose ses bras sur sa jupe. « Poznavash go ? (You know him ?) » Tu mens, parce-que c’est mieux comme ça. Tu secoues doucement le visage de gauche à droite, et t’essayes de cacher ton inquiétude. Tes yeux se reposent sur le feu de la cheminée. Les minutes passent, tes paupières sont lourdes, et tu finis par t’endormir.

Lorsque tu te réveilles, Adelina est partie. Elle t’a enlevé ta tasse des mains, pour la poser sur la table basse devant toi. Tu pousses un soupire là, tout juste sortie du royaume des songes. Le dos de ta main vient frotter tes deux yeux, tirés de fatigue. Ton autre main, elle, attrape le plaid dans lequel tu es enroulée, et tires dessus pour t’en extirper. Tu restes à, assise sur le bord du canapé, et tes yeux contemplent un instant les restes de bouts de bois dans la cheminée. Tu jettes un œil par la fenêtre, pour remarquer que la nuit tombée est remplacée par la fraîcheur matinale. Tu tournes le visage, de quoi t’arracher un pincement au cœur lorsque tu dévisages une photo dans un cadre, posée sur une petite table de chevet. Elle représente ton frère et toi, bien plus jeunes. Bien avant tout ça. Avant vos pouvoirs, avant Magneto, avant les Avengers. Avant que tu ne perdes la raison. Tu contemples l’image un instant, un petit sourire nostalgique au coin des lèvres. C’est dans un souffle que tu te dégages de ta vision pour déplier les genoux et te relever. Tu t’approches de la porte d’entrée, t’attrapes tes chaussures et tu te rassois sur la chaise posée contre le mur. Tu les enfiles, tu te redresses une nouvelle fois, puis tu t’empares de ta veste, posée sur le porte manteaux. Tes doigts embrassent la texture de la poignée, et tu pousses à l’opposé de ta carcasse pour ouvrir l’entrée. Là, tu t’en extirpes, tu refermes derrière toi, et tu observes les environs. Il ne faut plus que tu penses à cet homme. Tu sais que les gens que tu côtoies tous les jours ici ont su te protéger de lui. Le doute persiste. Le doute qu’il soit vraiment reparti. Mais tu ne peux pas t’arrêter là-dessus. T’as un petit mouvement de tête, comme si tu essayais de chasser cette idée de ton esprit, puis tu te mets en route vers le centre du village. Tu as environ cinq minutes, tu n’es pas située très loin. C’est un avantage, tous les jours ; et ces mêmes jours, tu empruntes le même parcours. Tu accordes l’un de tes plus beaux sourires à chaque habitant, à chaque vendeur du marché que tu traverses. A tes narines s’infiltrent les odeurs de poisson frais et de légumes tous justes déterrés puis lavés. Des marchands de vêtements, de tapis, et parfois même de quelques meubles font également partie du lot. Tu t’arrêtes chez l’un d’entre eux, que tu connais bien. Il a l’habitude de te voir. Tu lui adresses un sourire, qu’il te rend, puis il se retourne pour préparer ce que tu venais récupérer chaque matin. Tu n’as même plus besoin de lui dire. Ta tête se tourne autour de toi, pour observer la foule, saluer les éventuels visages que tu n’aurais pas encore vus ce matin, et le temps se fige lorsque tu croises le regard de l’un d’entre eux : bien trop familier. « Oh no. » Tu prends quelques secondes pour le reconnaître, lui aussi, et sans demander ton reste, tu fais demi-tour en courant. Tu fuis. Tu fuis, parce qu’on n’aurait pas dû te retrouver. Surtout pas lui. Pas lui.