How many mirrors have I lived in ? ◈ ft. Wanda M. Maximoff

Diablesse sans queue ni cornes, ça ne faisait que quelques mois seulement, tout au plus, qu'HYDRA avait imposé sa dictature sur un monde qui partait déjà en vrille. Ils en ont profité, avec les nanopuces, de récupérer un bon nombre d'atouts importants à rallier à leur cause – sous, évidemment, une manipulation mentale conséquente. Tu fais partie de ces victimes, de ceux auxquels on a retiré le libre arbitre, de ceux que l'on traîne à droite et à gauche comme de véritables pantins. T'es même pas sûre de pouvoir éternuer sans leur autorisation. Les mots qui sortent de ta bouche ne sont plus les tiens, mais un mantra implanté par l'hydre. Tu dis, fais et agis selon leur bon vouloir, selon leurs propres intérêts. Les tiens sont mis sous silence par la puce, et c'est impuissante que la véritable toi regarde les choses défiler sous ses yeux, tes yeux. Des actes effroyables que tu n'aurais jamais pensé commettre sur des gens que tu n'aurais jamais voulu blesser. Des victimes à ton actif, soit des morts soit des convertis. Juste une vulgaire et puissante marionnette, dont il valait mieux se méfier. Le seul inconvénient qu'HYDRA a pu obtenir vis-à-vis d'une personne comme toi, c'est de ne pas avoir la capacité d'utiliser tout ton potentiel. Une partie de tes capacités, bien plus destructrice, comme celle de réécrire une réalité à ton bon vouloir, demeure éteinte par la puce et n'est pas prête de se rallumer avant longtemps. Mais tu n'avais pas besoin de l'exercer pour te montrer menaçante. Et ce regard, et cette frayeur. Cette nouvelle version de toi en jubilait. Les plaintes et victimes qui suppliaient pour leurs vies. La crainte et, inévitablement, se rendre à l'évidence que c'était fini. Que les mots sortaient de la bouche par instinct de survie, mais que le cerveau, lui, savait. Un processus qui ne faisait qu'accroître ta satisfaction. Faire du mal ne te dérangeait plus – d'apparence, puisque ton visage ne reflétait plus aucun sourire angélique que tu as pu étirer autrefois, juste de méchantes grimaces menaçantes. Tout ce qui était nécessaire pour angoisser davantage tes victimes. Le prénom d'autrefois parvient à tes oreilles plusieurs fois. Pauvre homme auquel tu vas arracher sa vie, que tu vas arracher à ses proches. Le soldat, celui que l'on cherche à récupérer depuis le début. T'as pas participé à sa capture, mais si tu te tenais actuellement devant lui, c'était bel et bien pour une raison. Une raison particulière, un ordre susurré au creux de ton esprit. Les mots n'allaient pas permettre au soldat de s'enfuir, destiné à retourner inlassablement à la case départ. Une case départ que tu allais enclencher une nouvelle fois, appuyer sur le bouton pour redémarrer un homme que l'on a longtemps considéré plus comme une machine que comme une personne. Il était temps que l'hiver se lève de nouveau, qu'il abatte ses torrents de grêlons sur le monde, qu'il enterre vos ennemis sous sa neige.

Si l'écho de ton prénom te tire une grimace, ses mots la remplace bien vite par un sourire en coin. Tu faisais durer l'instant, le moment. Tu voulais entendre, encore et encore, ses plaintes. Au creux de ses yeux, tu apercevais déjà ses maux, ceux qui le rongeaient depuis longtemps, ceux que tu allais faire remonter à la surface, ceux que tu allais remodeler. Tu avais une hâte particulière à trifouiller son cerveau, le retourner dans tous les sens, le dessiner à la guise de l'hydre et à la tienne. C'était un jeu, le laissant encore s'agiter dans tous les sens telle une brebis prise entre les griffes du loup. Puis tu t'approches enfin, tu brises les quelques mètres qui te séparent encore de lui. Tu te penches en avant pour arriver à peu près à sa hauteur. Ton index vient se poser sous son menton pour relever son visage vers le tien, un sourire malicieux sur les lèvres. Soldat de l'Hiver. Un nom à en faire frissonner plus d'un rien qu'à l'entente de celui-ci, un nom qui comportait un passé tragique qui s'est transformé en fardeau pour celui qui n'était plus que l'ombre d'un homme mort depuis des décennies. Juste une ombre. Il est temps de rentrer à la maison. Tu prononces tes mots – les mots d'HYDRA - d'un ton calme et froid, mais presque doux et surtout de manière indifférente. Bientôt, l'enfer allait s'abattre et enflammer son esprit pour le faire goûter une fois de plus aux sombres desseins de l'hydre. Ton doigt glisse doucement pour se retirer de sous son menton, et tu te redresses. Tu fais un pas en arrière. Juste un seul. Je vais te donner un conseil : ne résistes pas. Tu ne te feras que du mal.

Il se débat, et tu lis aisément sur les traits de son visage la panique qui le gagne et l’angoisse qui le prend lorsque tu prononces le nom fatidique. Soldat de l’Hiver, The Winter Soldier, l’un des meilleurs atouts de l’hydre, perdu pendant bien trop d’années et lâché dans la jungle qu’est le monde alors qu’il a besoin d’eux. C’est ce qu’on te murmurait au creux de l’esprit, au creux de la puce qui agissait pleinement sur toi. Impossible de reprendre le contrôle, bien que dès le premier jour sous son influence tu aies déjà tenté. Mais ils avaient pensé à tout, parce qu’ils pensent toujours à tout. Ils avaient su adapter les puces selon les différents individus qu’elles allaient et avaient aujourd’hui atteints. Ils avaient su inclure un long panel de races, et même ton côté démoniaque ne pouvait pas te sortir de là. Pas tout seul, du moins. Alors tu agissais, parce-que c’est tout ce que tu pouvais faire, parce-que c’est ce qu’on te disait de faire, parce-que tu devais le faire. Tu n’avais pas la volonté suffisante pour lutter, et c’était au-dessus de tes forces. N’importe qui dans ton cas n’aurait pas su se libérer aussi aisément de l’influence de la puce. Tu obéis, parce-que c’est tout ce qu’on t’autorise à faire.

Les plaintes de l’homme qui te fait face, ligoté et qui tentait vainement de se libérer, ne t’atteignent pas de la manière dont il l’avait espéré. Tu ne lui réponds même plus, tes mains entourées de l’aura écarlate de tes pouvoirs, reconnaissable entre mille. Ce que tu comptes lui faire, ce qu’on te dit de lui faire, va se passer, et rien ne va entraver le processus. Tu assistais, intérieurement impuissante, aux derniers instants de Bucky. Encore une fois. Une énième fois. Et t’allais en être la cause, indirectement. Si tes gestes continuent leur périple dans l’espace qui t’entoure, et si tes yeux continuaient de refléter l’indifférence de l’hydre face aux multiples souffrances déjà infligées et qui l’attendaient du soldat, toi, tu pouvais pas t’empêcher de te sentir troublée. Quelque part, au fond de toi. Ton esprit manipulé ne comprend pas, mais ce trouble n’est que l’extension de toi, de la vraie toi, quelque part au fond de toi. T’attaquer à tes alliés, à tes amis, aux gens auxquels tu tenais a commencé avec lui, avec Bucky. Et ça encore, tu ne pourras jamais te le pardonner. Jamais. Les décors semblent changer, mais n’apparaissent que dans sa tête et dans la tienne. Tu disparais, laissant les souvenirs remonter. Des souvenirs bien lointains, des bons moments transformés et d’autres beaucoup plus douloureux. Petit à petit, le Soldat de l’Hiver reprend sa place, se bat intérieurement avec le jeune Barnes qu’il fut autrefois. Un véritable combat mental causé par ta magie, et toi dans cette réalité qui est la vôtre, tu ne bouges pas et tu l’observes, tu laisses tes pouvoirs opérer, tu continues de le briser un peu plus. Il t’implore, il hurle, et tu finis par détourner le regard parce-que, pour elle, pour la Wanda qui demeure au fond de toi, c’est trop. C’est trop, et c’est de ta faute.

Ta mâchoire se serre, tu réapparais à ses côtés, et il réussit à défaire ses deux liens. Ça ne t’inquiète pas plus, notamment parce qu’il retombe à genoux devant toi, affaibli. Ce que tu es en train de faire marche, confirmant le moindre soupçon que tu aurais pu avoir, et si ta gorge et tes tripes te font mal à cette vision, c’est un sourire satisfait qui se glisse sur tes lèvres. Tu viens t’agenouiller devant lui, alors que les décors autour de lui dansent et se transforment, se changent pour quelque chose de bien pire. Tu te penches vers lui. Ça ne sert à rien de résister, tu lui chuchotes à l’oreille. Tu recules un peu ton visage pour affronter son regard confus. Je vais faire de toi un héros. Tu lui annonces la couleur, mais il ne faut pas se fier à ce que tu racontes, à ce qui sors de ta bouche. Et tu sais qu’il ne te croit pas. Pas encore, en tout cas. Ils te parlent des informations que lui, toi, que tous les pantins de l’hydre possèdent ; erronées, il t’annonce. Ça te secoue un peu, intérieurement, parce-que tu sais qu’il a raison. Mais le contrôle d’HYDRA est toujours là, et tu restes de marbre. Puis il te raconte que t’es pas ce que tu penses être. Que tu as de l’espoir, que tu as une famille. Et là, ton expression change du tout au tout. Ta fierté s’efface pour laisser place à une grimace méprisante et colérique, te redressant soudainement sur tes deux jambes. Je suis ce qu’ils veulent que je sois ! Tu hurles sans prévenir, et ces mots, ils viennent de quelque part plus profondément, surprenant ceux qui te supervisent en permanence. Une révélation qui ne le choquera certainement pas. Il sait déjà ce que c’est. Tu sens les larmes monter à tes yeux, des larmes de rage mélangées à une tristesse cachée par la colère que tu ressens. Il te dit de ne pas faire ça, une dernière fois. Et tu te penches encore une fois vers lui. Pas un sourire ne vient, cette fois-ci, briser l’harmonie de tes lèvres. Ton expression de frénésie ne quitte pas ton visage, et tes yeux lancent des éclairs. C’est trop tard, tu lâches sec. Sa vie finit de se remodeler, et si t’aurais dû te retirer, si on te crie dans l’esprit de partir parce-que ton travail là est terminé, tes yeux ne quittent pas les siens. D’une douceur insoupçonnée pour le personnage que tu es devenu, tu viens attraper ses joues de tes deux mains, murmurant à son intention quelques mots sortis de nulle part. Pour ce que ça vaut, je suis sincèrement désolée.

Tes mains lâchent son visage et tu te redresses de nouveau sur tes deux jambes. Silencieusement, tu laisses le Soldat de l’Hiver reprendre le contrôle de son corps, tu laisses Bucky finir aux oubliettes, et tu te retournes silencieusement pour quitter la pièce.

Là, dehors, on vient te récupérer pour t’amener face à l’un de tes supérieurs. Tous ces sentiments étranges ; la peine, la colère. Il n’y a plus rien. Un sourire satisfait vient étirer tes lèvres, alors que ce qu’il vient de se produire ne t’atteint plus. Tu te confortes dans l’idée de retrouver un collègue d’ici peu, et de pouvoir démarrer les missions prévues pour dorer davantage le blason d’HYDRA. Mission accomplie, mon général. Suite à tes mots, tu vois une poignée d’hommes te dépasser pour retourner dans la pièce dans laquelle on t’avait laissé avec Barnes un peu plus tôt. Les minutes s’écoulent, on te somme de t’asseoir et de patienter, et voilà que cette même poignée revient quarante-cinq minutes plus tard. Ils échangent un hochement de tête avec le général, et à leur suite, célèbrement masqué, le Soldat de l’Hiver. Le général s’approche de lui pour le jauger, de haut en bas. Il reconnaît ce regard, indescriptible, un regard qui ronge tes yeux aussi depuis que tu es sous l’influence de l’hydre. Tu ne peux t’empêcher un nouveau sourire lorsque tu remarques que ta magie a parfaitement fonctionné sur son système, et tu te redresses. Tu sais que tu surprends un peu ceux qui t’entourent, mais ils te laissent agir un instant, fascinée par l’arme vivante que tu as devant toi, et lorsque tes yeux croisent ceux du Soldat, tu murmures doucement, mais avec conviction. Hail HYDRA.