body in water (richards)

C’est une expédition parmi d’autres. Dangereuse, évidemment, mais essentielle. Sur tes pas se tracent ceux de tes compagnons. Equipés de la tête jusqu’aux pieds, la sécurité est primordiale. Une bonne partie du monde était dans le flou, après avoir subi les conséquences qu’êtres humains impliquaient de vivre sur cette planète bleue, la détruisant par la même occasion des suites de guerres dévastatrices. La situation mondiale actuelle n’est pas pour te plaire, et ne profite qu’à la dictature imposée par de grands ennemis de longue date. Tu n’as jamais été trop confronté à HYDRA, par le passé. Mais tu avais entendu leurs exploits, le chaos qu’ils répandaient autour d’eux, et tu savais depuis longtemps que ce n’était pas une menace à écarter aussi facilement. Les adversaires avaient pratiquement le plein pouvoir, et vous n’étiez plus qu’une poignée. Une poignée de survivants, à lutter. Encore debout. Tombés, puis relevés. Vous n’êtes pas encore morts. Beaucoup ont péri depuis le début de l’apocalypse. Depuis l’A-Day. Le visage familier de l’amour de ta vie n’est plus un luxe que tu peux te permettre de voir chaque jour, tout comme ceux de certains alliés, perdus parmi les méandres de folie que les puces de l’hydre leur procurent. D’autres ont péri durant les guerres, d’autres demeurent disparus. Vous faites avec ce que vous avez sous la main, avec ceux que vous avez sous la main. Chaque volontaire n’est pas à écarter, et vous, dehors, tous ensemble : vous faites partie de cette poignée de survivants, de rebelles, de ceux qui faisaient encore barrage. Un brin d’espoir, une lueur dans le noir. C’est ce que vous étiez.

T’as pourtant mal démarré cette apocalypse, mais les choses n’ont pas été vaines. Te relever de ta perte n’a pas été aisé, et celle-ci te hantera à jamais. Tu le sais. On n’oublie pas ce genre de chose. On n’oublie pas ses échecs. On n’oublie pas ses deuils. On apprend juste à vivre avec. Et malgré la difficulté, on avance. Pour les autres, pour une raison bien précise, plus que pour soi. Mais on avance. T’es revenu avec les autres, tu t’es réfugié à New York City. T’as repris du poil de la bête, malgré les convictions que tu avais perdues, et tu t’es relevé. Faut dire qu’on t’a aidé, aussi. Tu n’étais pas seul. On t’a tendu la main, pendant longtemps. Et t’as souvent été hésitant. Mais t’as fini par saisir les doigts qu’on te présentait, et tes jambes t’ont porté de nouveau. Celles-ci t’ont aidé à traverser de nombreuses péripéties : la reconstruction de la ville, du Baxter Building. La refonte d’un semblant de société. Et t’as participé. T’as pas chômé. Ça t’a occupé l’esprit, aidé à traverser ta passe difficile. T’as fondé la Future Foundation, et tu te souviens avoir pensé que Susan aurait été fière de cette initiative. Quelque part, tu veux rester persuadé qu’elle l’est. Qu’elle est quelque part, là-haut ou ailleurs, qu’elle garde un œil bienveillant sur toi. « Look. » Les faisceaux de lumière éclairent quelques boîtes de conserve, et tu lances un regard au compagnon qui te suit de près. Vous vous approchez de la trouvaille, satisfaits de tomber au moins sur un petit quelque chose, après de nombreuses heures de recherche vaines. Tu hoches doucement le visage, et à deux, vous attrapez les boîtes pour les enfoncer dans les larges sacs que vous avez apportés. Originellement, vous n’êtes pas là pour ça. Mais vous ne pouvez pas vous permettre de cracher sur quelques vivres supplémentaires. La nourriture finirait par devenir rare, un jour. Si les choses ne changent pas.

« I don’t think we’ll find something else, Doctor. » Le faisceau de ta lampe éclaire l’autre bout du couloir. Tu souffles à travers ton casque. T’es déçu. Aujourd’hui, rien n’aura avancé. Peut-être que demain non plus. Garder espoir était parfois difficile. Mais tu te devais de garder le cap. Tu le devais à tant de gens. Tant. Tu voudrais continuer, pourtant. Mais vous êtes fatigués. Votre équipement risque de l’être aussi, et de vous lâcher. Ce n’est sûrement pas sage. Tu songes un instant, avant de te tourner une nouvelle fois vers ton compagnon de route. « I just- Let’s just finish this building. There’s just two rooms left in this hallway, and a last floor. Then we can go home. » Il a l’air hésitant, pose ses yeux sur la vue qu’offre ta lampe. « Please, Marvin. » Il sait que t’en as besoin. C’est à contrecœur qu’il accepte. Vous vous attelez alors à la tâche. L’allure du bâtiment en ruines donnait la chair de poule. Une allure hantée. Au fond, si les aliens, les inhumains, les mutants, les vampires existaient, alors pourquoi pas les fantômes ? Non, ne penses pas à ça Richards. T’en avais vu, des films axés sur le paranormal. Ils étaient tous tirés par les cheveux. T’as même pas eu peur. T’as pouffé devant. Parce qu’ils sont si ridicules. Dénués de sens. Tu es un homme de sciences. Tu ne crois pas en ces conneries. Une heure, environ, s’écoule. Le temps défile à une vitesse folle, une vitesse qui te dépasse complètement, et rien de plus. Rien, absolument rien. Tu es déçu. Encore. Toujours. Tu sais que vous ne ressortirez pas de cette expédition les mains vides, mais tu aurais aimé trouver plus. Beaucoup plus. La situation actuelle te pèse bien plus que tu ne veux l’admettre. Au fond, tu le sais. Tu luttes contre toi-même. Contre la frustration de ne pas réussir à faire bouger davantage les choses. Ça ne te permet pas de dormir, lorsque le soleil se couche. Ça ne te permet pas de te reposer. Ça ne te fait que travailler bien plus. Encore plus. Toujours plus. Et tu as constamment la sensation que ce n'est pas suffisant.

Derrière vos dos, la silhouette du bâtiment se fond dans l’obscurité de la nuit. Tu ne sais pas quelle heure il est actuellement. Tu entends ton ventre crier famine, briser le silence pesant de la zone morte. Vous vous arrêtez un instant. Marvin sort une grande carte en toile. Vous tentez de vous repérer. Tu te tournes une dernière fois vers la bâtisse lointaine que vous venez de visiter. Quelques instants, quelques secondes seulement, un dernier regard. Tu songes aux nouvelles peu glorieuses que vous allez rapporter au Triskélion. Puis vous vous remettez en route. Vous avez de la marche, et vous ne serez peut-être pas encore rentrés demain. Vous avez eu la bonne idée de vous déplacer à pied. Même si une voiture aurait pu être aisée, elle ne vous aurait pas apporté la discrétion nécessaire. HYDRA peut rôder partout. HYDRA peut, elle aussi, chercher à s’approprier les zones mortes. On n’est jamais assez prudents. Et tu n’es pas assez stupide pour te faire repérer aussi facilement. Tu ne vas pas leur donner cette satisfaction. C’est au bout de deux heures, coupées d’un unique arrêt de cinq minutes, que vous rejoignez la frontière. L’air, petit à petit, redevient respirable, et tu extirpes ta frimousse du casque, que tu gardes sous le bras. Ton regard se pose sur quelques mètres à ta gauche, bien plus loin. Ce n’est pas votre destination. Mais tu sais que si vous continuiez par cette route, vous risquiez de rejoindre une zone rouge. Vous ne vous y rendez pas. Toi, tu ne t’y rends pas. Jamais. Des équipes compétentes, elles, étaient chargées d’y mener des expéditions. Parfois, pour repousser l’ennemi. Parfois, pour gagner un mètre ou deux supplémentaires de territoire. Jamais rien de très glorieux, mais ça restait quelques petits pas de plus pour vous permettre de survivre. Tu ne te portais jamais volontaire. Tu n’étais pas volontaire. Plus loin tu te tenais de l’hydre, mieux tu te portais. « Richards. » Tes yeux se posent sur le visage, lui aussi dénudé, de ton compagnon de route. « Something’s wrong. » Tu fronces les sourcils, et tu suis l’endroit vers lequel ses yeux sont fixés. A quelques mètres de là se positionne un objet que vous n’arrivez pas à identifier précisément. Un objet qui n’était pas présent à l’allé. Et, en jetant un œil aux alentours, vos autres équipiers ne sont pas là non plus.